vendredi 30 décembre 2011

Précautions oratoires


Un certain Bruno Chaouat, directeur du Center for Holocaust and Genocide Studies, complète les billets comiques actuellement en prolifération au journal Le Monde. Je recommande celui de Caro, Caroline Fourest, mais aussi celui de Alain Beitone, grandiose au point que Etienne Chouard s'est fendu d'une petite réponse de derrière les fagots. Mais revenons à nos moutons. Le sieur Chaouat entreprend donc de critiquer Pierre Nora. Ce qu'il a à dire est d'autant plus important qu'il annonce être d'accord avec Nora sur le point essentiel. 

Vraiment, ce qui ne va pas du tout, ce n'est vraiment pas bien Monsieur Nora, c'est de critiquer la France alors qu'il y a une tête-de-turc plus pratique. Atatürk était vilain, et État Turc encore aujourd'hui. Ces gens-là sont négationnistes, ce qui est très mal. Alors, avant de critiquer la France, il faut s'indigner que les méchants soient vilains, parce que nous on est gentils quand même. Et c'est vrai, l'indignation ne doit pas être sélective. 

S'exprimer risquant par là de devenir légèrement fastidieux, je propose la rédaction d'un préambule que chacun pourra copier et coller en amont de la critique qu'il aura à formuler contre les lois de ce pays dont nous sommes citoyens. 

Voici : 

"Je condamne avec la plus grande fermeté tous les crimes inqualifiables, barbares, et rappelant les heures les plus sombres de notre histoire, commis dans les pays suivants :
Afghanistan, Afrique du Sud, Akrotiri, Albanie, Algérie, Allemagne, Andorre, Angola, Anguilla, Antarctique, Antigua-et-Barbuda, Antilles néerlandaises, Arabie saoudite, Arctic Ocean, Argentine, Arménie, Aruba, Ashmore and Cartier Islands, Atlantic Ocean, Australie, Autriche, Azerbaïdjan, Bahamas, Bahreïn, Bangladesh, Barbade, Belau, Belgique, Belize, Bénin, Bermudes, Bhoutan, Biélorussie, Birmanie, Bolivie, Bosnie-Herzégovine, Botswana, Brésil, Brunei, Bulgarie, Burkina Faso, Burundi, Cambodge, Cameroun, Canada, Cap-Vert, Chili, Chine, Chypre, Clipperton Island, Colombie, Comores, Congo, Coral Sea Islands, Corée du Nord, Corée du Sud, Costa Rica, Côte d'Ivoire, Croatie, Cuba, Danemark, Dhekelia, Djibouti, Dominique, Égypte, Émirats arabes unis, Équateur, Érythrée, Espagne, Estonie, États-Unis, Éthiopie, ex-République yougoslave de Macédoine, Finlande, Gabon, Gambie, Gaza Strip, Géorgie, Ghana, Gibraltar, Grèce, Grenade, Groenland, Guam, Guatemala, Guernesey, Guinée, Guinée équatoriale, Guinée-Bissao, Guyana, Haïti, Honduras, Hong Kong, Hongrie, Ile Bouvet, Ile Christmas, Ile Norfolk, Iles Cayman, Iles Cook, Iles des Cocos (Keeling), Iles Falkland, Iles Féroé, Iles Fidji, Iles Géorgie du Sud et Sandwich du Sud, Iles Heard et McDonald, Iles Marshall, Iles Pitcairn, Iles Salomon, Iles Svalbard et Jan Mayen, Iles Turks-et-Caicos, Iles Vierges américaines, Iles Vierges britanniques, Inde, Indian Ocean, Indonésie, Iran, Iraq, Irlande, Islande, Israël, Italie, Jamaïque, Jan Mayen, Japon, Jersey, Jordanie, Kazakhstan, Kenya, Kirghizistan, Kiribati, Koweït, Laos, Lesotho, Lettonie, Liban, Liberia, Libye, Liechtenstein, Lituanie, Luxembourg, Macao, Madagascar, Malaisie, Malawi, Maldives, Mali, Malte, Man (Isle of), Mariannes du Nord, Maroc, Maurice, Mauritanie, Mayotte, Mexique, Micronésie, Moldavie, Monaco, Monde, Mongolie, Monténégro, Montserrat, Mozambique, Namibie, Nauru, Navassa Island, Népal, Nicaragua, Niger, Nigeria, Nioué, Norvège, Nouvelle-Calédonie, Nouvelle-Zélande, Oman, Ouganda, Ouzbékistan, Pacific Ocean, Pakistan, Panama, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Paracel Islands, Paraguay, Pays-Bas, Pérou, Philippines, Pologne, Polynésie française, Porto Rico, Portugal, Qatar, République centrafricaine,République démocratique du Congo, République dominicaine, République tchèque, Roumanie, Royaume-Uni, Russie, Rwanda, Sahara occidental, Saint-Christophe-et-Niévès, Sainte-Hélène, Sainte-Lucie, Saint-Marin, Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Siège, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, Salvador, Samoa, Samoa américaines, Sao Tomé-et-Principe, Sénégal, Serbie, Seychelles, Sierra Leone, Singapour, Slovaquie, Slovénie, Somalie, Soudan, Southern Ocean, Spratly Islands, Sri Lanka, Suède, Suisse, Suriname, Swaziland, Syrie, Tadjikistan, Taïwan, Tanzanie, Tchad, Terres australes françaises, Territoire britannique de l'Océan Indien, Thaïlande, Timor Oriental, Togo, Tokélaou, Tonga, Trinité-et-Tobago, Tunisie, Turkménistan, Turquie, Tuvalu, Ukraine, Uruguay, Vanuatu, Venezuela, Viêt Nam, Wake Island, Wallis-et-Futuna, West Bank, Yémen, Zambie, Zimbabwe
Je condamne avec la même force ce qui a pu se passer d'aussi moyenâgeux, obscurantiste et pervers sur les autres planètes du système solaire, ainsi que dans l'Univers tout entier. Je condamne tous les crimes, délits, incivilités et atteintes à la Bienséance de l'Histoire de l'humanité. Vous vous reporterez avantageusement à la Bible, au Coran, au Code Pénal et aux livres de Bernard-Henri Lévy pour en trouver la liste. 

Fort de ces anathèmes intransigeants, j'estime être en mesure d'émettre une légère critique à l'encontre de mon pays, le pays des Lumières ! des Droits de l'Homme ! le Phare du Progrès et l'Esprit du Monde. Oh ! certes... ce n'est qu'une broutille en comparaison des dépravations sus-nommées... mais nous sommes le seul pays universel et éternel doué d'auto-critique et c'est ce qui fait notre magnificence.

Toutefois, il me semble utile de préciser avant cela que je ne suis pas : 
Intolérant, raciste, antisémite, nazi, pédophile, terroriste, d'extrême droite ni d'extrême gauche (je me lève chaque matin en pensant : "les extrêmes se rejoignent"), conspirationniste, voleur de poules, théoricien du complot, populiste, abstentionniste, négationniste, révisionniste, fanatique, intégriste, mangeur d'enfants, tortionnaire d'animaux, assassin de vieilles dames, internaute, vidéo-joueur qui écoute Marilyn Manson, tueur en série, décroissant, réactionnaire, protectionniste, fasciste

Je pense enfin qu'il faut respecter : 
Les gentils, les méchants, les beaux, les moches, les Arabes, les handicapés, les Noirs, les enfants, les grands, les moyens, les petits, les tout petits, les Belges, les journalistes, les femmes, les ours blancs, les pauvres, les alcooliques (il y en a des bien), etc.

Moyennant quoi,"


je prétends que cette loi est une infamie.

mardi 20 décembre 2011

Bilans 2011

C'est l'heure des bilans. Je veux bien m'y coller. C'est vite vu. 

Disques achetés : zéro. 0. Aucun.  Le bilan musical est fait.

Livres achetés : 1. Un seul. C'est donc le meilleur livre de l'année 2011. C'est L'enculé, de Marc-Edouard Nabe. Livre paraît-il "abject", "pornographique", "antisémite", "négationniste littéraire". De l'avis général des chevaliers fallacieux de la bienséance.

Films vus : 2. Deux ! On progresse. J'ai raté le Nuri Bilge Ceylan, il reste le Sokourov (?). Ça pourrait faire quatre. Mais c'est d'eux : Melancholia (Lars von Trier) et Le Cheval de Turin (Béla Tarr), que je peux parler. J'ai déjà expliqué en long, en large et surtout pas d'équerre pourquoi ces deux films comptent. 

Et voilà comment on mène rondement une affaire. J'aime mon époque, de plus en plus.

samedi 17 décembre 2011

Nathalie Arthaud noyée

C'est amusant d'avoir mis des années à comprendre quelque chose, et de constater que d'autres n'y comprennent toujours rien. Il y a long temps que j'ai perdu le PS, et toute la gauche officielle d'ailleurs. Emmanuel Todd persiste à penser que la situation catastrophique obligera Hollande à être raisonnable. Rien ne l'indique ! J'en serais tout ébahi. L'extrême-gauche, depuis 2005 m'a toujours parue insignifiante. Mais aujourd'hui j'entends Nathalie Arthaud, candidate en 2012 pour Lutte Ouvrière. 

Toujours le même problème : vous parlez aux ouvriers, au nom des ouvriers, mais retournez-vous - ils ne sont pas là, ils sont au FN. Arthaud parle d'internationalisme. Marx qui prévoit que la mondialisation obligera à penser des solutions à un niveau supérieur à la nation. Travailleurs de tous les pays, unissez-vous !

Mais précisément, c'est là ce qui n'est pas compris. Dame Arthaud considère que les ouvriers Chinois sont nos frères et non nos concurrents. Ils sont les deux. Le capitalisme utilise cette idéologie de (extrême-)gauche, l'internationalisme, pour mettre les ouvriers en concurrence entre les pays, à l'intérieur des pays, et favorise l'émergence d'un lumpen-prolétariat (sortes de racailles à casquette NYPD, lumpen-prolétariat qu'on trouve partout du 9-3 à l'Elysée) qui détourne tout le monde des luttes sociales et démocratiques. 

Mais les ouvriers, eux, pour vivre cette situation tous les jours, ont tous compris autre chose que Dame Arthaud. Et nous aussi. Marx le prévoyait. Jaurès le déclamait. Péguy, je l'ai assez cité, l'écrivait si brillamment.

On n'est pas aidé !

lundi 12 décembre 2011

Le pré-cinéma (première partie)

Au commencement était Platon. Il est obligatoire de commencer par les Grecs, mais les peuples du Magdalénien provoqueraient déjà la stupéfaction des plus obtus des revenus de tout. C'est quasiment une platitude de parler de l'allégorie de la caverne. Les prisonniers sont au cinéma, ils fixent un écran et prennent les ombres pour la réalité. 



Quant à Aristote, il utilise un sténopé. Le bougre se met en tête de décrire une éclipse solaire, il l'observe à travers la première chambre noire de l'histoire : une pièce dont un mur est percé d'un trou étroit (littéralement sténopé) formant une image inversée sur le mur lui faisant face. On notera qu'il aurait pu observer directement le Soleil, comme le fera un ahuri (Belge) que nous retrouverons plus tard et qui en devint aveugle. Il ne l'a pas fait, car il n'était pas né de la dernière pluie. 

Images projetées à quelques mètres sur un mur par les deux trous d'un sténopé à miroir

Au cours des siècles, cet instrument est utilisé à des fins d'astronomie. Notre ami Leonardo en décrit le principe en 1514 :
« En laissant les images des objets éclairés pénétrer par un petit trou dans une chambre très obscure, tu intercepteras ces images sur une feuille blanche placée dans cette chambre […] mais ils seront plus petits et renversés »


On note cette fâcheuse attitude consistant à donner les réponses aux questions qui se posent. Cela dit, il a en partie tort, mais il n'est plus là pour que nous puissions lui taper sur les doigts et constater qu'il fait moins le malin après ça. Tant pis. A partir de ce moment-là, la camera obscura, ainsi dénommée, prend d'assaut les ateliers de peintres qui s'en servent, tel Vermeer, tel Rembrandt, par exemple, pour peindre leurs chefs-d’œuvre.

En 1646, Athanasius Kircher (Ars Magna Lucis et Umbrae) décrit la camera obscura et l'image réversible, d'accord, mais aussi les lanternes magiques. La lanterne magique, c'est l'inverse de la camera obscura : c'est une chambre noire dans laquelle une source lumineuse envoie ses rayons ayant traversé une plaque en verre dessinée de quelque monstre ou spectre vers un mur-écran.
De petites histoires sont imaginées (Cadet Rousselle) tandis qu'un certain Robertson dépose en 1799 le brevet du Fantascope et propose des spectacles de fantasmagories, qui font sensation.

Tout cela est bien gentil, et c'est même extraordinaire, mais il y a plus fort encore. Après tout, n'importe quel arbre est capable de faire la même chose : les petits "trous" laissés entre les feuilles de celui-ci sont autant de sténopés naturels, mais allez repérer qu'un morceau de ciel bleu est à l'envers !... Je n'ai pourtant pas pour intention d'abattre les arbres. Il y a mieux, disais-je, parce que l'illusion du mouvement peut être obtenue à partir d'images fixes. 

Les Grecs, toujours eux, avaient constaté le phénomène de la persistance rétinienne. Croyez-le ou non, notre œil n'est pas parfait et une image s'y imprime, c'est le mot : une empreinte y subsiste, un moment certes, mais y subsiste. Mon bon ami Isaac Newton a pu élaborer un disque (à son nom désormais) composé des couleurs du spectre solaire et qui, une fois mis en rotation, laisse apparaitre du blanc (du moins en théorie, parce que moi, je n'ai jamais vu que du gris-rose).
Merci Mathilde, Cécile et Camilla.

Par l'utilisation d'une lampe stroboscopique, on alterne les phases lumineuses (flashs) et les phases obscures. Ah... et on déjoue en quelque sorte ce défaut de notre œil, et on distingue de nouveau ces couleurs que nous avions fondues en du blanc. Étonnant, non ?

Mais j'ai pris un peu d'avance. Je n'aurais pas du. En 1826, le Dr Paris, londonien comme son nom l'indique, invente le thaumatrope. "Invente" 15 000 ans après l'invention, mais le lobby des Magdaléniens n'a pas jusqu'à ce jour fait parler sa puissance de feu pour récupérer la paternité de l'invention.

Florent Rivière mérite un coup de chapeau
Un thaumatrope ? Un prodige tournant. Vous connaissez certainement l'oiseau dans la cage, ou le poisson dans le bocal, des grands classiques. Deux images chacune sur une face d'un disque se superposent lors de sa rotation.

Je retrouve trois ans plus tard mon ahuri (Belge), celui qui s'est aveuglé (pour la Gloire et pour la Science). Joseph Plateau, il s'appelait. Il a inventé - tenez-vous bien, le phénakistiscope en 1833. Ce mot-là signifie "observation trompeuse". Notez comme les noms de ces jeux sont extravagants et extraordinaires. Ce n'est d'ailleurs pas fini. Ces noms sont porteurs d'une poésie et d'un mouvement, à l'image si j'ose dire des objets qu'ils désignent. Mais revenons au phénakistiscope. Dominique Auzel (Emile Raynaud, et l'image s'anima) laisse Baudelaire en parler : 
"Supposez qu'un mouvement quelconque, par exemple un exercice de danseur ou de jongleur, divisé et décompensé en un certain nombre de mouvements ; supposez que chacun de ces mouvements, - au nombre de vingt, si vous voulez - soit représenté par une figure entière du jongleur ou du danseur, et qu'ils soient tous dessinés autour d'un cercle de carton. Ajustez ce cercle, ainsi qu'un autre cercle troué, à distances égales, de vingt petites fenêtres, à un pivot au bout d'un manche que vous tenez comme on tient un écran devant le feu. Les vingt petites figures, représentant le mouvement décomposé d'une seule figure, se reflètent dans une glace située en face de vous. Appliquez votre œil à la hauteur des petites fenêtres, et faites tourner rapidement les cercles. La rapidité de la rotation transforme les vingt ouvertures en une seule circulaire, à travers laquelle vous voyez se réfléchir dans la glace vingt figures dansantes, exactement semblables et exécutant les mêmes mouvements avec une précision fantastique. Chaque petite figure a bénéficié des dix-neuf autres. Sur le cercle, elle tourne et sa rapidité la rend invisible ; dans la glace, vue à travers la fenêtre tournante, elle est immobile exécutant en place tous les mouvements distribués entre les vingt figures."

Extraordinaire. Mais là encore, le principe date de plusieurs millénaires. On le retrouve chez les précolombiens (une assiette Mochica) et même un vase retrouvé en Iran datant de 5200 ans (la cité Brûlée). Bref, lisez le livre de Marc Azéma : La Préhistoire du cinéma. C'est passionnant.

Mais une personne, une seule, peut observer ce mouvement. Alors le jeu est perfectionné, nombre d'inventeurs se saisissant de la question. Dès 1835, William Georges Horner remplace la roue du phénakistiscope par un tambour ouvert et percé de fentes, muni d'une bande de dessins placés entre les fentes dans la partie inférieure du tambour. C'est le zootrope (animal qui tourne), qui permet une observation à plusieurs, en faisant tourner le tambour et en regardant par les fentes (entre les fentes, le noir empêche la superposition des images sur notre rétine).





Plus tard en 1877, c'est Émile Raynaud qui améliore le jeu en remplaçant cette fois les fentes par un prisme de miroirs au centre du tambour. Nul besoin d'éclipse, et la luminosité est parfaite. Il appelle ce jeu le praxinoscope (observation d'une action) qu'il améliorera lui-même jusqu'au théâtre optique.




mercredi 7 décembre 2011

La fin du terrorisme cinématographique

Ça aura terminé comme ça. Une lumière qui s'éteint (une patate crue). C'est Le Cheval de Turin, le dernier film de Béla Tarr. Le dernier : le dernier en date, mais l'ultime, aussi. C'est fini. Il n'en tournera plus parce que, dit-il, il n'y a plus de public pour ce genre d'histoire. C'est la fin. Son Cheval est un attentat cinématographique, comme ses autres films avant lui, mais ce sont même des attentats qui n'attirent pas la moindre attention. On trouvera le public pour voir 300 films interchangeables ; on ne trouve pas le public pour voir un film unique. C'est la fin. C'est le dernier de la famille à tourner les talons. Ils n'étaient que peu nombreux les rescapés. On a vu mourir Balthazar, c'est aujourd'hui son cousin, anonyme, qui nous quitte.

Guy Debord considérait son existence et ses films suffisant à prouver par l'exemple qu'une autre narration, qu'un autre cinéma était possible. Alors s'ils font tous la même chose, cherchez-en la justification... Béla Tarr, lui, faisait tout autre chose. Dire qu'il faut en parler au passé !... au moins en avons-nous été les témoins, les contemporains.

Ce film est annoncé par son image finale, et par cette anecdote historique : Nietzsche rencontre un cocher faisant preuve d'une immense cruauté envers son cheval, il s'écroule de folie. Ce que réussit Béla Tarr, au-delà des aspects cinématographiques, c'est de faire se rencontrer Nietzsche et Nietzsche. Il se trouve en effet que la philosophie et la biographie de Nietzsche m'intéressent. Et le cinéaste nous offre une critique, la première pertinente, de Nietzsche. C'est même une critique nietzschéenne de Nietzsche. La sentence de Zarathoustra sur le Nietzsche succombant. Il suffisait de s'intéresser au cheval, de se mettre à la place du cheval. C'était aussi simple que ça, et pourtant, qui aurait pu y penser, si ce n'est un cinéaste ? si ce n'est ce cinéaste ? si ce n'est Béla Tarr.

 Et puis, ce film par la barbe du Prophète ! ce film il montre la fin de l’Éternel Retour. C'est l’Éternel Retour, oui, mais qui s'arrête. Il s'arrête avant la fin, avant le septième jour, on n'y arrive même pas, c'est trop loin : qui diable pourrait-il bien supporter un tel trajet ? Béla Tarr avait emprunté le chemin bernanosien, le chemin boueux vers le cœur vous savez. Il est contraint, nous l'obligeons à interrompre ses pérégrinations. Le cœur, l'âme, le Chemin, le Septième Jour, ce n'est pas pour l'homme moderne. C'est une tragédie.

samedi 3 décembre 2011

Michel Onfray, encore un effort !

Michel Onfray passe ce vendredi chez Zemmour & Naulleau, grotesque émission mais pourtant certainement au-dessus de tout le reste. Il raille gentiment, ostensiblement trop gentiment, son prédécesseur Bernard-Henri Lévy. Zemmour et Naulleau sont d'accord avec lui, mais alors pourquoi inviter BHL ? On le lit, le voit et l'écoute partout, déjà. Si c'est pour le combattre, alors il y a de meilleurs moyens à mon avis : inviter des types plus conséquents et ne défendant pas la même idéologie (ça n'est pas difficile à trouver), plutôt que lui offrir une campagne publicitaire supplémentaire. Bref...

Puis, Zemmour parle politique, et 2012. Et là, il pose la question, la vraie question déjà évoquée plusieurs fois ici. Il parle des référendums européens, qui montrent deux fois 20% d'opposants mais répartis à droite et à gauche et qui n'arrivent pas à s'unir, laissant la voie libre aux libéraux de tous poils. Alors il demande à Onfray s'il est prêt à faire perdre Hollande. Il rappelle le "capitaine de pédalo" de Mélenchon (très bon). Onfray louvoie. Zemmour martèle : Marine Le Pen ! Le FN est le problème, puisque c'est lui qui a les électeurs, mais le parti est infréquentable pour les démondialistes de gauche. Pour Zemmour, il faut que ces derniers passent outre et bâtissent ce pont vers les démondialistes de droite. Onfray ondule. Les électeurs du FN ne sont pas du tout des nazis et des fascistes comme le prétend BHL, juste des gens qui souffrent de la mondialisation, et c'est à eux que la gauche doit parler pour les récupérer. Le temps que ça arrive, le pédalo lui-même aura coulé. 

Alors Zemmour lance une dernière salve. Mitterrand avait fait alliance avec un parti stalinien pour se faire élire, il ne s'était pas embarrassé de questions morales. Au final, Onfray a admis avoir plus d'affinités politiques avec les "anti-libéraux de droite" qu'avec les "libéraux de gauche". Mais ne fait pas un pas vers les premiers. Même un pédalo suffira donc à nous terrasser. Pourtant, la question n'est pas celle du libéralisme, c'est celle bien comprise de la démocratie, de la souveraineté du peuple. D'une, nous ne sommes pas "anti-", et de deux, l'enjeu est bien plus grand qu'une divergence de politique économique. 

Les mots ont un sens. Que Michel Onfray arrête de se définir "anti-libéral", mais "démocrate", et au lieu de rêver à une union de Poutou à Montebourg (impensable et inutile), c'est la porte Etienne Chouard qui s'ouvre... Et là...

Encore un effort !...

vendredi 2 décembre 2011

"Le Jésus de Nietzsche", par Massimo Cacciari

C'est un tout petit livre, en réalité un article, que l'on peut caricaturer ainsi : 

Jésus = Spinoza = Zarathoustra = Antéchrist

Étonnant, non ? Je l'ai plusieurs fois écrit ici, c'est une façon de voir qui ici est attentif. Les surpris, dénoncez-vous. Je n'ai rien d'autre à ajouter, du coup, et je me contente de vous envoyer vers l'article ou le livre.