mercredi 18 décembre 2013

La gauche vent debout ?

C'est dur, d'être de gauche. Déjà, c'est difficile de savoir ce que ça veut dire. Je partirais bien d'une phrase de Robespierre pour définir ma vision de la gauche, mais on traquera la personnalité et la biographie de Robespierre au lieu de se positionner sur la phrase en question. La phrase :
"La plus grande partie de nos concitoyens est réduite par l'indigence à ce suprême degré d'abaissement, où l'Homme, uniquement occupé de survivre, est incapable de réfléchir aux causes de sa misère et aux droits que la nature lui a donné."

Traduction : agir sur les structures économiques et sociales qui permettent l'autonomisation maximale des individus, objectif des objectifs, et j'ajoute : pour qu'ils deviennent ce qu'ils sont. 

Ah! Ah! Nietzsche, après Robespierre. Rouge-brun! Passons encore sur les insultes. 

Et je précise. Deviens ce que tu es. Cela signifie que je ne suis pas ce que je suis, tant que je n'ai pas eu la volonté de le devenir. J'illustre : quelqu'un à la peau noire n'est pas Noir tant qu'il ne se pense pas, qu'il ne se définit pas comme Noir. L'autonomie est un maître-mot : être porteur de ses propres normes. Je ne mange pas du pain "libre-arbitre", absurdité démontrée par tant de grands philosophes ; mais toutes les déterminations du monde n'empêchent pas la volonté de puissance. 

Partant, il est inenvisageable et il n'est pas envisagé de réduire un individu à un groupe auquel il serait supposé appartenir. Plus encore, on ne saurait réduire un individu à ce même individu. Il est un devenir, il n'est pas une fin en soi, Nietzsche parlait de l'homme comme d'un pont, et cela me rappelle une très belle phrase de Jean-Pierre Vernant
"Entre les rives du même et de l'autre, l'Homme est un pont."

Pourquoi ce petit préambule ? Pour expliquer les raisons pour lesquelles je ne serai jamais intimidé, jamais tétanisé face aux accusations de racismes en tous genres. J'aime trop les couleurs, les ponts, les "hasards", les différences, l'altérité, l'histoire, les "accidents", les chemins se faisant en marchant. 


Or, de nos jours, les accusations de "racisme" tombent dans un véritable déluge. J'y vois une raison principale : la déliquescence sociologique et politique de la "démocratie" suite aux abandons successifs de souveraineté populaire provoque une agitation morale censée différencier une droite et une gauche. La lutte des classes ayant été abandonnée, la gauche a joué la carte d'un fascisme/racisme de la droite pour s'en démarquer, faisant oublier que le vrai "fascisme", comme l'ont fait remarquer des Pier-Paolo Pasolini, Guy Debord ou Jean Baudrillard résidait bien plutôt dans la Société de consommation. Société à laquelle est ralliée la gauche officielle, mais elle n'est pas homophobe, rassurons-nous.

C'est tous les jours. Et ça touche tout le monde. La première affaire à m'avoir interpellé (mais pas la première en date) fut celle touchant Edgar Morin, traîné dans la boue à l'époque pour incitation à la haine raciale, etc. pour un article jugé trop pro-Palestinien. Edgar Morin, l'homme de l'éthique de la compréhension, attaqué pour antisémitisme! C'était grotesque. J'ai découvert par la suite que ce n'était pas un cas isolé. Mais, depuis, les attaques insensées de ce style sont toujours plus nombreuses. Je ne les passerai pas toutes en revue.


Cette semaine, Roger Cuckierman, Président du CRIF, s'ingénie à propager la Grande Confusion. L'antisémitisme monte. Depuis le temps qu'il monte, il va bientôt falloir le regarder évoluer avec le téléscope Hubble. A moins? à moins! que, entre les épisodes où il monte, il baisse! Mais ça, on ne l'entend jamais dire, donc ça ne doit pas exister. Ce qui n'est pas dit n'existe pas, donc l’antisémitisme monte continuellement. D'ailleurs, aucun journaliste ne le reprend là-dessus, donc c'est Vérité. Les journalistes demandent en revanche : comment l'expliquez-vous? Et Cuckierman de répondre : l'extrême-gauche, et le "Front de gauche, surtout", a "l'élégance" (on appréciera) de ne pas se dire "antisémite", mais de se dire ouvertement "antisioniste", ce qui créé un climat général d'antisémitisme. Il ajoute d'autres choses dont je parle déjà trop souvent.

Personnellement, je ne suis pas au Front de gauche. Je reconnais quelques mérites à Mélenchon, sur les retraites, sur "le bruit et la fureur, le tumulte et le fracas", sur le Dalaï-lama, sur les médias, bon... Mais je me trouve beaucoup plus à gauche, sur la croissance, l'Europe, la politique étrangère, et la question fondamentale des institutions. Bref, si je devais me convaincre de voter à nouveau, ce serait certainement vers le Front de gauche, mais il y a loin que je remette les pieds dans l'isoloir. 

Toutefois, quand le Front de gauche et ses sympathisants se font insulter de la sorte, j'estime que cela mérite une réponse. Ne la voyant pas venir (et il est vrai que Mélenchon est à l'étranger), je poste un commentaire à son billet d'actualité sur son blog  : 

Bonjour M. Mélenchon,
De Bogota, une information vous aura peut-être (je pense que non) échappé. Le Président du CRIF s'ingénie à traîner dans la boue l'extrême-gauche en général, le "Front de Gauche, surtout" où l'antisionisme pullulerait, et l'antisionisme n'est, pour lui, que de l'antisémitisme "élégant".
Il est insupportable de se faire insulter de la sorte. Non pas que ces attaques puissent salir les gens "de gauche" ou "d'extrême-gauche". Mais ça participe d'une stratégie globale qui devrait déshonorer ceux qui l'emploient, mais dont nous devons au contraire déplorer le succès. C'est l'amalgame (nous, à gauche, nous participerions à un "climat général d'antisémitisme"), la culpabilité par association, ou ce que Schopenhauer appelait le "principe de l'association dégradante". Tous les jours, de nouveaux gugusses sont accusés d'être fascistes, antisémites, mangeurs d'enfants ou assassins d'ours polaires. Ces accusations insensées servent à exclure toute une série de thèmes du débat, voire des personnes. Vous avez par exemple subi pareilles flèches lors de l'affaire "Finance internationale - Moscovici".
Frédéric Lordon, sur les questions européennes et économiques, invite la gauche à porter ses valeurs et ses principes, et éviter la tétanisation, piège du système : "Ah! vous êtes contre l'euro, vous êtes comme le FN!". Non! Nous défendons nos valeurs - la souveraineté populaire.
Idem, face aux accusations du CRIF. Une réponse ?...

Quelques minutes à peine après la publication, ce message a été supprimé du blog. N'ayant toujours pas obtenu de réponse à ma demande d'explications, je considère que c'est de la censure pure et simple. 

J'estime que cela pose un problème assez grave. Quelles qu'en soient les raisons...

J'attends de pied ferme celui ou celle qui entendra démontrer que mon corpus idéologique peut ressembler à celui d'une quelconque extrême-droite, raciste et fasciste. Pour autant, je goûte assez peu que, Israël, ayant été touchée par des pluies diluviennes, décide de déverser les eaux retenues par ses barrages dans la bande de Gaza. Et hop! Cuckierman prendrait cela pour de l'antisionisme ou "antisémitisme élégant". Qui va protester contre cet amalgame indigne ? Pas Besancenot, il s'était mis à pleurer à la TV. Pas Mélenchon non plus, apparemment. Qui, alors ? 

Changeons de sujet. L'UE. Dès qu'un économiste iconoclaste s'en prend à l'euro, on lui rétorque : "Front National!" Est-ce par hasard si Alexis Corbière du FdG a donné dans le procès en sorcellerie contre Jacques Sapir? Qui donc va protester contre l'amalgame indigne fait entre la défense de la souveraineté populaire, de la souveraineté monétaire, et un fantasme d'extrême-droite, raciste, fasciste ? Pas Besancenot. Pas Mélenchon non plus. Qui, alors ? 

On sait très bien qui. A se demander si ça n'arrange pas les officiels de la gauche.

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